Programme

Vendredi 10 février 2012
 
09:00

Accueil
09:15
Mot d’accueil par Michel Terrasse et Marie-Paule de Thiersant

09:30
Gilles RAYE
Des réintroductions pour restaurer et gérer les écosystèmes
10:00
Marco Andrello
Les objectifs génétiques et démographiques pour obtenir
une population viable dans le cas d’une réintroduction
10:30
Claudio Groff
La réintroduction de l’ours dans le Trentin (Alpes italiennes):
bilan 10 ans plus tard *
11:00
Pause
11:30
Dominique Gauthier
Les pathologies partagées par la faune sauvage et domestique
sont-elles un frein pour les réintroductions ?
12:00
Y. Tariel /D. Aribert
Les projets de réintroductions menés par la LPO
Repas pris sur place sous forme de buffet (sur inscription / 13 €)
14:00
Xavier Gayte
La gestion des milieux naturels : jusqu’où peut-on aller avec les
méthodes traditionnelles ? A quels coûts ?
14:30
Christian Tessier
Les services rendus par la réintroduction des vautours dans les
Alpes
15:00
Renée Meissner
Rôle et impact des herbivores sauvages sur les milieux naturels :
expériences aux Pays-Bas avec des chevaux de Konik et de Przewalski,
des bisons…
15:30
Pause
16:00
Katejan Perzaznowski
L’impact de la réintroduction des bisons d’Europe dans les Carpates *
16:30
Gérard Hanus
La réintroduction du bouquetin dans le PNR de Chartreuse :
quels services rendus ?
17:00
Pause
17:30- 18:30

Table ronde 1
Les réintroductions comme outil de gestion
Table ronde 2
Naturalité et réintroductions sont-elles compatibles
19h
Discours de nos partenaires officiels / accueil presse / APERITIF POUR TOUS
* intervention en anglais


Samedi 11 février 2012


09:00
Gilbert Cochet
Ces chers disparus : Les espèces manquantes de nos écosystèmes
09:30
Marc Michelot
Le tarpan, un disparu qui a de l’avenir
10:00
André Miquet
Réintroduction de la cistude sur le Haut-Rhône et le lac du
Bourget : éthique, programme et perspectives
10:30
Pause
11:00
Benoit Betton
La politique de restauration de la Biodiversité menée par le
Parc naturel régional du Vercors
11:30
Stephane Carbonnaux
Pour un «rewilding» à la pyrénéenne !
12:00
Diane Anxionat
Les expériences de réintroduction du Grand Tétras en Europe
Repas pris sur place sous forme de buffet (sur inscription / 13 €)
14:00
Georges Erome
Faisabilité de la réintroduction de l’ours dans les Alpes
françaises
14:30
Farid Benhamou
L’acceptation de l’ours dans les Pyrénées
15:00
Pierre Athanaze
Du retour de la grande faune et de son acceptation sociale
15:30
Pause
16:00
Thierry Lecomte
Gérer une réserve en France avec une guilde d’ongulés
16:30
Christian Schwoehrer
Bilan de la réintroduction du Gypaète dans les Alpes
17:00
Conclusion : les suites à donner à ce colloque

                                                                                                                      

Résumés des présentations


Gilles RAYE, agrégé, enseignant en biologie de la conservation, recherche en génétique non invasive sur les régimes alimentaires de la faune sauvage (LECA Grenoble).

Des réintroductions pour restaurer et gérer les écosystèmes
De nombreuses régions ont subi un exode rural important entre la fin du XIXème siècle et tout au long du XXème. La résilience des écosystèmes permet un retour de la forêt et par voie de conséquence une fermeture des milieux autrefois ouverts par les activités humaines. Cette modification profonde a entraîné un changement de biodiversité souvent accompagné par le retour d'espèces disparues localement. Néanmoins, certains animaux de grandes tailles (ours, bouquetin, bison, tarpan…) ne pourront jamais revenir spontanément (à l'échelle de quelques dizaines ou centaines d'années) dans ces "bibliothèques naturelles" du fait de leur rareté ou de l'absence de connexions écologiques. Pour retrouver l'intégralité de la bibliothèque et ses meilleurs ouvrages, les réintroductions sont nécessaires.
Les services rendus par les réintroductions touchent les domaines social, esthétique, touristique, économique et bien sûr écologique. Des retours d'expériences montrent le rôle de la grande faune dans la perturbation des milieux et leur diversification. Parallèlement, nous injectons des sommes considérables dans la gestion des écosystèmes alors que sous certaines conditions, la grande faune pourrait participer utilement à la gestion de ceux-ci et accroître la biodiversité.
Finalement, jusqu'où peut-on aller dans les opérations de réintroductions des grandes espèces ? Ne peut-on pas envisager une gestion alternative ou complémentaire du système "traditionnel" des écosystèmes par la grande faune sauvage ?

 
Marco ANDRELLO, PhD, généticien des populations, Laboratoire d'écologie alpine de Grenoble

Les objectifs génétiques et démographiques pour une réintroduction

L'objectif de toute réintroduction est d'assurer la persistance à long terme des populations réintroduites. Pour qu'une population survive et persiste dans son aire de réintroduction, il faut contrôler les menaces d'extinction, qui peuvent être de deux types : déterministes ou stochastiques. Ces dernières, inversement proportionnelles à l'effectif de la population réintroduite, s'articulent en facteurs de risque démographiques, génétiques et environnementaux. Bien qu'il soit très difficile de déterminer l'effectif minimal d'une population qui maintienne les risques stochastiques au dessous d'un seuil acceptable, le suivi démographique et génétique permet de vérifier le succès d'une réintroduction et de prévoir l'évolution future des populations.


Claudio Groff , PhD, Sercice de la faune et de la flore, Province autonome du Trentin (Italie)

La réintroduction de l’ours dans le Trentin (Alpes italiennes) : bilan 10 ans plus tard
Dis années après la réintroduction de 10 ours slovènes dans le Trentin (Alpes centrales italiennes) plus de 30 ours vivent actuellement dans un paysage à forte empreinte humaine.
Suivi scientifique, prévention des dommages, gestion de l'urgence, formation du personnel, communication et coordination inter-régionale sont les principales action menées pour rendre possible la coexistence entre l'Homme et les ours.
Succès, erreurs et nombreuses activités sociales pour apprendre aux gens que les ours peuvent toujours vivre dans les Alpes. Les coûts financiers et humains d'une telle opération seront présentés de la façon la plus objective possible.

The reintroduction of the brown bear in Trentino (Italian Alps): a balance ten years after
Ten years after the movement of 10 bears from Slovenia to Trentino (Italian central Alps) more than 30 bears are roaming in a human dominated landscape.
Monitoring, damages prevention and refusion, emergencies management, personnel training, communication and interregional coordination are the main actions carried out to make the cohexistence between men and bears possible.
Successes, failures and lot of "social activities" to teach people that bears can still live in the Alps.
Human and financial costs of such management will be presented as well.

 


Xavier Gaytes, PhD, directeur du Conservatoire du patrimoine naturel de la Savoie

La gestion des milieux naturels : jusqu'où peut-on aller avec les méthodes traditionnelles ? A quels coûts ?

La gestion "conservatoire" des milieux naturels est une activité récente (une trentaine d'année). Elle a répondu au départ à la nécessité de préserver des espaces emblématiques ou de restaurer ceux qui étaient  dégradés. Il n'existe pas aujourd'hui de référentiels de coûts sur la gestion des milieux naturels. Néanmoins, sur la base d'expériences en Savoie et en Rhône-Alpes, un retour peut être fait sur les coûts pratiqués sur les milieux ouverts et quelques enseignements pour l'avenir tirés.

1) Dans la phase de restauration des milieux, les coûts selon les types de milieux et le niveau d'ambition de restauration peuvent aller d'un facteur 1 à 100. Si une restauration légère de la végétation de marais peut coûter  3 000 € l'hectare, des actions plus lourdes sur la végétation ou l'hydraulique peuvent facilement atteindre 20 à 30 000 € l'ha. La restauration de milieux particuliers comme les roselières du lac du Bourget qui demande des interventions à la fois lourde et un matériel adapté peut atteindre 150 000 € l'hectare.

2) Dans la phase d'entretien des milieux naturels, les coûts et les fourchettes se réduisent. L'entretien mécanique de milieux ouverts par la fauche (zones humides ou pelouses sèches) revient à environ 1000 € / ha (+ ou - 50% selon les conditions).

3) La gestion agricole des milieux ouverts (120 à 250 € m²) est souvent  une solution intéressante mais qui peut ne pas être possible à mettre en place pour des raisons liées soit aux milieux (vulnérabilité) soit à l'agriculteur (pas d'équipements adéquats).

L'avenir de la gestion des milieux naturels passent par :
- Une maîtrise des coûts de gestion afin de pouvoir intervenir sur des surfaces plus importantes
- Une priorité à la non dégradation pour limiter au maximum le restauration coûteuses et présentant certains risques de non réussite. 
- La mobilisation autour de la biodiversité des acteurs de la gestion de l'espace et notamment de monde agricole, l'évolution de la PAC sera de ce point de vue décisive.




Christian Tessier, responsable de la réintroduction des vautours dans les Préalpes du sud au sein de l'association Vautours en Baronnies

Réintroduction des vautours dans le massif des Baronnies (Drôme) : les services rendus 
Le massif des Baronnies a été le premier site de réintroduction des vautours dans les Alpes. En 1996, l’association « Vautours en Baronnies  réintroduisait les premiers Vautours fauves. La colonie compte aujourd’hui plus de 130 couples reproducteurs. En 2004, étaient relâchés les premiers Vautours moines. Cette espèce se reproduit avec succès depuis 2010.
Cette communication vous présentera l’historique et les résultats obtenus suite à ces réintroductions. Puis nous aborderons les conséquences de ces réintroductions sur :
  • la biodiversité du massif avec notamment le retour spontané du Vautour percnoptère
  • la gestion de l’équarrissage dans les Baronnies
  • la gestion de l’environnement (Site natura 2000, projet de parc naturel régional …)
  • la limitation des nuisances pour les grands rapaces des Baronnies (réseau électrique, dérangements humains …)
  • la sensibilisation et l’éducation à la protection de l’environnement
  • l’impact économique à l’échelle des Baronnies




Renée Meissner, spécialiste néerlandaise internationale de la gestion des grands herbivores (bison, chevaux de Prezvalski, Konik…)

Français : Pâturage naturel par des herbivores sauvages et «dédomestiqués» : Rôle et effet pour la biodiversité à grande échelle.

L'herbivorie (pâturage naturel) joue une rôle essentiel dans les écosystémes de chaque paysage écologique. L‘herbivorie comme processus de gestion est primordial pour la biodiversité. Il existe de nombreuses espèces d'herbivores et chaque paysage écologique en présente une combinaison unique. Cela implique aussi bien les herbivores sauvages que les équivalents domestiques d'espèces aujourd'hui éteintes : auroch et tarpan. Dans cette présentation je veux montrer de nouveaux concepts, sur la base de 25 années d'expériences, sur l'approche et la gestion de l'herbivorie et les résultats obtenus par les bovins et les chevaux.
Des faits et des images montreront les processus graduels à toutes les échelles spatiales (depuis les espaces naturels de petites tailles jusqu'aux plus vastes) avec des espèces domestiques et sauvages réintroduites. Une comparaison sera établie après l'introduction des chevaux de Przewalski et les bisons d'Europe. Finalement je montrerai comment le pâturage naturel a influencé les communautés locales.

English : Natural Grazing by wild and rewilded herbivores : Role and impact on large scale nature.

Herbivory plays an unevitable role in each ecosystem, and in each landscape. Introduction of herbivory is essential for biodiversity. There are many different grazers, while each landscape asks its unique combination.
This involves both the wild species as the remplacants of the extinct aurochs and tarpan. In this presentation new insights will be given after 25 years of experiences about approach and management of introduced herbivory and the results. Facts and pictures will demonstrate the upscaling process from small areas to large nature together with the growing process from domesticated animals to rewilded free living animals. There will also be attention for a comparison with the introduction of the wild Przewalski horse and the European Bison. Finally I will point at the influence of natural grazing on the local communities.

NL : Herbivorie speelt een wezenlijke rol in een ecosysteem, in een landschap.
Introductie van herbivorie is essentieel voor de biodiversiteit . Er zijn vele soorten grazers,met voor ieder landschap zijn eigen optimale combinatie. Dat betreft zowel de wilde soorten als de remplaçanten van de uitgestorven oeros en het europees paard. In deze presentatie wordt aan de hand van 25 jaar ervaring nieuwe inzichten rond het management, aanpak en resultaten van begrazing door huisrund en paard gemaakt. Het proces van kleinschalig naar grootschalig en van gehouden naar gededomesticeerd / verwilderd wordt met feiten en plaatjes inzichtelijk. Ook is er aandacht voor een vergelijk met de introductie van het wilde przewalskipaard en de rundachtige, de europese bison. Tenslotte laat ik zien hoe de natuurlijke begrazing de samenleving op diverse lokaties beinvloed heeft .


Wanda Olech, Dept of Genetics and Animal Breeding , Warsaw University of Life Sciences

Contexte, plan d'action et implications de la réintroduction du bison d'Europe dans les Carpathes

Selon les sources historiques, les bisons d'Europe qui étaient communs dans la région au Moyen-Âge disparurent entre la fin du 19e siècle (Ukraine) et le début du 20e (Transylvanie). Au début des années 1960, une décision fut prise au cours d'une conférence soviéto-polonaise de séparer les bisons provenant de la lignée hybride caucasienne (LC) de la lignée pure provenant de Bialowieza.
Ainsi, les animaux de la lignée LC furent progressivement transférés dans les montagnes de Bieszczady (SE de la Pologne) et relâchés dans la nature. De même en Ukraine, des bisons de lignée identique furent relâchés dans un premier temps dans la région de Skolyvski Beskyd et plus tard dans la vallée de la rivière Prut et dans la chaine de Bukovyna. Pendant quelques années les hardes ont augmenté lentement, étant chassées occasionellement par des "invités spéciaux" et des VIP de la région. A la fin des années 1990 fut initiée par la station de recherche sur la faune sauvage des Carpathes de l'Académie des sciences de Pologne, avec le soutien du "Large Herbivore Initiative", un programme international pour le rétablissement des espèces sur l'ensemble de la chaine des Carpathes.
Le programme était basé sur l'inventaire des espèces existantes et de leurs habitats, accompagné d'analyses génétiques pointant la structure du pool génétique et de la consanguinité. Ces études ont montré que la structure génétique des hardes est tout à fait différente, leur variabilité génétique est faible et, point intéressant, la distance génétique avec des animaux captif d'Allemagne ou de Suède est grande. Quelques hardes ont aujourd'hui disparues (Skolyvski Beskyd et Prut river valley) et certaines ont vu leurs effectifs se réduire considérablement (Bukovyna). Dans les années 2001-2011 une évaluation complète des habitats des Carpathes fut réalisée permettant de connaître les sites les plus favorables pour des réintroductions. Plusieurs enclos d'acclimatation construits en Pologne, Slovaquie, Roumanie et Ukraine permirent de créer une nouvelle harde en Slovaquie, de ré-établir la harde de Skolyvski Beskyd et vont premettre de relâcher des bisons en Roumanie. En Hongrie, un nouveau centre de reproduction du bison a été créé. Environ 40 animaux ont été sélectionnés sur des critères génétiques. Ils proviennent de centres d'élevage d'Europe de l'ouest (Allemagne, Suède, Italie, Pays-Bas, Irlande, Suisse, Danemark) complétés par des animaux sauvages de Pologne, Slovaquie, Roumanie et Ukraine.
Actuellement, le nombre de bisons dans les Carpathes avoisine les 400 individus. Des corridors écologiques sont progressivement mis en place permettant les échanges de bisons entre les hardes (Pologne et Ukraine). Le programme de renforcement avec des nouveaux animaux, afin d'améliorer la structure génétique, continue. Des évènementiels comme "Le jour du bison" dans la partie polonaise de la Bieszczady ou "Bisonland" en Roumanie cherchent à améliorer la prise de conscience, par les populations locales, de la nécessité de sauvegarder le bison. Tous les gestionnaires des hardes de bison dans les Carpathes ccopèrent maintenant avec le Centre de Sauvegarde du Bison Européen de Varsovie.


The background, course of action and implications of the reintroduction of Bison bonasus to the Carpathians

According to historical sources, wild wisents (European bison), which until Medieval Ages were fairly common in the region, become finally extirpated between the late XVIIIth century (Ukraine), and early XIXth century (Transylvania). In the beginning of the 60ties of XXth century, there was a decision undertaken at Polish – Soviet conference, to separate animals belonging to mixed Lowland-Caucasian line from pure blood Lowland-Białowieża line. Accordingly, all animals of LC line were gradually transferred to Bieszczady Mtns. (south-eastern Poland), and subsequently released to the wild. Similarly in Ukraine, animals of LC line were brought first to Skolyvski Beskyd, later to Prut river valley, and Bukovyna range and released there. For a number of years those herds grew up slowly in isolation, being occasionally hunted by special guests or VIPs from the country. By the end of the 90ties of XXth century, with a support of Large Herbivore Initiative an international program for the restitution of the species in the whole Carpathian range, was initiated by the Carpathian Wildlife Research Station of Polish Academy of Sciences. The program has been based on the inventory of existing animals and their habitats, followed by the genetic analysis focused on the gene pool structure and the level of inbreeding. It has been found that genetic composition of those herds is quite different, their variability is very low, and what interesting, the genetic distance to captive animals from Germany or Sweden is quite large. Some herds by that time already disappeared (herds in Skolyvski Beskyd and Prut river valley) and some considerably decreased in numbers (Bukovyna herd). In years between 2001 – 2011, accomplished was an overall assessment of Carpathian habitats allowing to indicate the sites most suitable for wisent re-introduction. Several acclimatisation enclosures were build (in Poland, Slovakia, Romania, Ukraine), created was a new wild herd in Slovakia, re-established the herd in Skolyvski Beskyd, and a new herd that is about to be released in Romania. In Hungary a new centre for wisent breeding has been established. About 40 animals were selected on genetic basis during this period from breeding centres of western Europe (Germany, Sweden, Italy, Holland, Ireland, Switzerland, Denmark), and supplemented wild herds in Poland, Slovakia, Ukraine and Romania.
By now, the whole wild population of wisents in the Carpathians counts about 400 animals. There are already ecological corridors being gradually established to allow unrestricted migrations among herds (Ukraine, Poland), and the program for supplementation of new animals to improve genetic structure is continued. Several special events are organised (like Day of the Bison in Polish Bieszczady or BisonLand in Romania) to increase an awareness of local communities towards the necessity of the support for the conservation of this species. All breeders and managers of wisent herds in the Carpathians, cooperate now with the European Bison Conservation Centre at Warsaw.

Paul Boudin, chargé d'étude faune, PNR de Chartreuse

La réintroduction du bouquetin dans le PNR de Chartreuse : quels services rendus ?

Depuis presque un siècle, le massif de la Chartreuse a connu de nombreuses opérations de réintroduction, d'introduction ou de trans-localisation d'animaux : réintroduction du chevreuil (années 30), du cerf (années 60), introduction du mouflon de Corse (années 70), renforcement du chamois (années 90). La question de la réintroduction du bouquetin des Alpes en Chartreuse s'est naturellement posée de longue date, tant dans le milieu des associations de protection de la nature qu'au sein de l'administration. C'est en 2010 et 2011, Après plusieurs siècles d'absence, que trente Bouquetins des Alpes provenant des massifs de Belledonne et de la Vanoise ont été lâchés dans la Réserve Naturelle des Hauts de Chartreuse.
La réintroduction du bouquetin en Chartreuse s'inscrit dans une politique de conservation et de restauration de la biodiversité nationale mais également locale. L'objectif de l'opération étant principalement de permettre à l'espèce de reconquérir les terres qu'elle occupait anciennement mais aussi de restaurer la faune représentative des habitats du massif de Chartreuse.
Cette espèce qui fût l'emblème du parc national de la Vanoise est un vecteur de sensibilisation à la protection de la nature. Le programme de réintroduction en Chartreuse a été accompagné d'une campagne de communication et de sensibilisation conséquente. Un an après le dernier lâcher, pouvons-nous mesurer les services rendus  par cette opération de réintroduction en Chartreuse ?


Gilbert Cochet, agrégé, naturaliste, président du Conseil Scientifique de la réserve naturelle des gorges de l'Ardèche et vice-président du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel de Rhône-Alpes

Ces chers disparus, les espèces manquantes de nos écosystèmes

Après la très forte érosion de la biodiversité qu'a connue notre pays, de nombreuses initiatives ont permis de restaurer partiellement ce patrimoine naturel. Cependant, beaucoup d'espèces manquent encore à l'appel. Nos chers disparus se retrouvent soit dans la mégafaune comme l'aurochs ou le tarpan, soit parmi les grands migrateurs aquatiques comme le saumon ou l'esturgeon d'Europe, soit dans un lot d'espèces très exigeantes pour la qualité de leur milieu comme la moule perlière dans les cours d'eau ou le pic à dos blanc et le grand tétras pour les forêts.
Le retour d'une partie au moins de ces pièces vivantes apporterait beaucoup plus de fonctionnalité dans nos écosystèmes appauvris et souvent sous perfusion.
Les expériences en cours dans d'autres pays plus peuplés que le notre montrent que l'essentiel du défi à relever pour le retour de nos chers disparus, c'est de leur trouver une petite place dans la tête des hommes !


Marc Michelot, Président de l'association ARTHEN (Association pour le Retour du Tarpan et des grands Herbivores dans les Espaces Naturels) et coordinateur du Projet Tarpan.

Le Tarpan, un disparu qui a de l'avenir !

Le tarpan, descendant du cheval primitif européen, a officiellement disparu à l'état sauvage au 19ème siècle en Europe orientale. Mais une souche domestiquée a pu être sauvée en Pologne sous le nom peu explicite de Konik Polski. Dans le cadre d'un processus de « dédomestication », ce cheval retrouve désormais ses comportements naturels dans de vastes réserves d'Europe du Nord, en particulier aux Pays Bas.
Le Projet Tarpan souhaite promouvoir en France ce descendant du cheval ancestral en développant trois objectifs :
  1. Scientifique, par la conservation du patrimoine génétique de cette souche primitive et, à plus long terme, sa réintégration dans la guilde des grands herbivores indispensable au fonctionnement naturel de certains écosystèmes
  2. Environnemental, en tirant profit de la résistance naturelle et de la plasticité de cet équidé pour une gestion écologique et paysagère de sites ponctuels
  3. Economique, par une valorisation écotouristique du retour au naturel de ce représentant très particulier de « la plus noble conquête de l'homme ».



André Miquet, PhD, Chargé d'étude faune au Conservatoire du Patrimoine Naturel de la Savoie

Réintroduction de la cistude sur le Haut-Rhône et le lac du Bourget : éthique, programme et perspectives

La réintroduction de la cistude d'Europe dans l'hydrosystème Haut-Rhône / lac du Bourget, agréé par le CNPN est repris dans le plan national d'action cistude ainsi que dans le document d'objectif de ce grand site Natura 2000. Motivé à la fois par sa légitimité biologique, la pérennité des espaces concernés et l'échelle "méta-population" visée d'emblée, il est mis en œuvre depuis 2000 avec deux premiers noyaux mis à place à ce jour. Le "goulot d'étranglement" du programme étant son alimentation en individus, une "filière élevage" est en cours de constitution en parallèle (sous-espèce Emys o. orbicularis). Elle pourra à terme permettre le lancement d'autres programmes, la cistude ayant vocation à redevenir une espèce répandue ... à défaut de redevenir "ordinaire" ! Un cadrage des aspects éthiques, socio-économiques et de gestion sous-tendant ce programme sera également proposé, vis à vis des autres acteurs mais aussi des structures porteuses de tels programmes de réintroduction.


Benoit Betton, chargé de mission biodiversité, Parc Naturel Régional du Vercors

La politique de restauration de la Biodiversité menée par le Parc naturel régional du Vercors

Pourquoi le Parc naturel régional du Vercors s'est-il lancé dans différents programmes de réintroduction ? Voilà la question à laquelle nous allons tâcher de répondre !
Le Parc du Vercors mène en effet, depuis une trentaine d'années une véritable politique de restauration d'une partie de sa biodiversité qu'il avait perdue. Le constat de départ était la : si le Vercors est un territoire déjà exceptionnellement riche en terme d'espèces, les milieux rocheux très présents sur le massif étaient pourtant dépourvu de leurs grande faune.
D'autres facteurs rentraient également en jeu. Si les enjeux naturalistes autour de ces réintroductions sont évidents, les retombées sortent quant à elles du simple domaine écologique. Ces espèces réintroduites, associées à celles qui sont venues naturellement les rejoindre, constituent une véritable ressource pour le territoire. Nous sommes là au plein cœur des missions, des vocations, d'un Parc naturel régional. Voilà pourquoi le Parc du Vercors s'est lancé successivement dans des programmes de réintroduction du Bouquetin des Alpes, du Vautour fauve et du Gypaète barbu. Une véritable politique globale autour de la restauration de sa biodiversité.


Stéphan Carbonnaux,  juriste, avocat, président du groupe ornithologique des Pyrénées et de l'Adour

Pour un rewilding à la pyrénéenne ! 

Dans notre société moderne, coupée du sauvage et délitée, le rewilding n'est pas à nos yeux un strict réensauvagement (une traduction proposée de ce terme du jargon du monde anglo-saxon de la conservation) mais une réconciliation des communautés humaines et de la grande nature sauvage. Pensé sur la très longue durée, le rewilding englobe circulairement des dimensions anthropologiques, culturelles, sociales, économiques et écologiques. Alliant les vieilles cultures montagnardes et celles, récentes, du sauvage et de la naturalité, le rewilding à la pyrénéenne doit dépasser le projet d'une biodiversité à visage humain - une pyramide écologique amputée de ses prédateurs - et la biodiversité hyper médiatisée, un fruit stérile de la société de consommation.


Georges Erome, Administrateur de la FRAPNA, mammalogiste, rédacteur de l'étude de faisabilité de la réintroduction de l'ours dans les Alpes française,

La réintroduction de l'Ours dans les Alpes françaises ou l'histoire d'une tentative avortée
Dans les années 1980/90 la sauvegarde de l'Ours en France nous a incité à lancer le débat sur la faisabilité de la réintroduction dans les Alpes françaises. La chronologie en fût la suivante :

  • Suite à notre sollicitation, le Secrétariat d'Etat à l'Environnement accepte de financer une étude sur l'historique de la disparition de l'ours dans les Alpes françaises
  • Suite à notre sollicitation, le Secrétariat d'Etat à l'Environnement accepte ensuite de co-financer l'étude de faisabilité d'une réintroduction de l'Ours lancée à l'initiative d'Artus grâce à l'engagement financier de La Maison de Valérie, sponsor du Groupe Ours puis de Artus.
  • Présentation du projet à la direction du Parc Régional du Vercors : Ce dernier y souscrit sans restriction et décide de devenir le maître d'ouvrage du projet
  • Pour éviter toute contestation sur la pertinence de l'étude réalisée, le Parc régional du Vercors réunit à Lans en Vercors différents experts européens pour présentation et validation du dossier
  • Présentation de l'étude aux experts du CNPN
  • Communication conjointe avec Dominique Partenay directeur du Parc à la IX conférence internationale sur la connaissance et la gestion des populations d'Ours
  • Organisation d'un voyage d'information au Parc National des Abruzzes avec la participation de différents acteurs concernés (50 personnes- Administration,Elus, Chasseurs, forestiers, naturalistes,représentants du tourisme, etc..)
  • Mise en place d'un comité de pilotage sous la responsabilité du Parc
  • Poursuite des études commandées par le Parc, financées par le Ministère de l'Environnement, Artus et le Conseil Régional 
  • Plusieurs réunions publiques organisées dans le but d'informer et d'obtenir une adhésion très large au projet, condition jugée indispensable pour sa réussite.
  • Très large médiatisation notamment par presse écrite

Le projet continue à évoluer de manière positive, même différents blocages restent encore à lever (en particulier vis à vis des éleveurs). Puis arrivent les élections cantonales de 1994 : M.Vilar , conseiller général et président du Parc est battu et en quitte de ce fait la présidence. Son successeur M. Sibeud est un farouche opposant au projet .La présidence du conseil général change de camp. M. Partenay, véritable fer de lance du projet quitte ses fonctions.

C'est fini. Dommage. Le chemin parcouru était particulièrement encourageant et nous a permis d'espérer.


Farid Benhamou, géographe, docteur en Sciences de l'Environnement (Agro Paris Tech).

Acceptation sociale, réintroduction et renforcement de l'ours brun dans les Pyrénées françaises : quel bilan?

L'année 2011 était censée être marquée par un lâcher d'ours en Béarn. Et pourtant ... Cette espèce emblématique a suscité beaucoup de polémiques, de conflits, d'espoir et de déception au sujet de sa protection et de sa réintroduction dans les Pyrénées. Animal symbole de ce massif, il est souvent hissé au statut de patrimoine tant naturel que culturel depuis des décennies. A la croisée des 2 types de patrimoines, l'ours est donc un bien commun remarquable même si l'actualité rappelle régulièrement que cela ne fait pas l'unanimité. Vu l'image positive de l'ours, l'idée d'une réintroduction (ou renforcement) est ancienne dans les Pyrénées et même ailleurs en France.
L'objectif de notre propos est de montrer les forces et les faiblesses de la protection de l'ours et surtout des opérations de réintroduction dans l'acceptation sociale de l'espèce. Après
un historique de l'acceptation de l'ours dans les Pyrénées françaises et de l'idée de réintroduction, nous aborderons la gestion patrimoniale qui était censée faire progresser la cohabitation de l'ours et des humains dans le Haut-Béarn avec les espoirs déçus qui s'en suivirent. Ensuite, il sera important d'évaluer le bilan de la réintroduction en Pyrénées centrales qui, malgré des hauts et des bas, a néanmoins permis de maintenir la présence ursine dans ces montagnes. Les interconnexions sont nombreuses à l'échelle de toute la chaîne et des événements distants de plusieurs centaines de km ont des incidences mutuelles et régionales fortes. Ainsi la mort de Cannelle en Béarn, provoquant un élan apparemment unanime, va favoriser les lâchers d'ours en Pyrénées centrales en 2006. Pourtant, ces derniers vont paradoxalement renforcer les forces oeuvrant à détériorer l'acception sociale de l'ours en France. Ce sont ces mécanismes complexes que nous proposons de disséquer.


Pierre Athanaze, forestier de formation, président de l'association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS)

Du retour de la grande faune et de son acceptation sociale

La grande faune a été exterminée de France au cours des siècles passés. Au cours de la première partie du vingtième siècle, les grands carnivores, à quelques ours bruns près, ont disparu alors que les populations d'ongulés sauvages se raréfiaient.
Il faudra attendre les années soixante dix, souvent grâce à des réintroductions, pour que l'on retrouve le lynx, le cerf ou le chevreuil dans nos espaces naturels. Durant cette même période et grâce à leur protection officielle, de nombreuses espèces de rapaces ont vu leurs effectifs progresser. Ceci à contre courant d'une inexorable érosion générale de la biodiversité.
Mais l'âge d'or de ces grands retours connaît aujourd'hui un important « coup de frein ». La grande faune, d'après certaines catégories sociaux professionnelles n'aurait plus sa place dans notre monde. De la demande sociale aux lobbying divers et variés, en passant par l'action des pouvoirs publics et des politiques, la grande faune a-t-elle encore un avenir en France ?




Thierry Lecomte, conservateur de la Réserve naturelle des Courtils de Bouquelon
Gérér une réserve naturelle avec une guilde d'ongulés

Au sein des écosystèmes, les espèces peuvent être appréhendées par leur patrimonialité et /ou par leur fonctionnalité. Leur éventuelle réintroduction peut donc résulter de ces deux approches de façon distincte ou de façon simultanée.

Les ongulés, en particulier les grands herbivores (de 100kg à 1t) sont à considérer davantage sous l'angle de la fonctionnalité.

En vertu du principe d'exclusion compétitive défini par Gause, les différentes espèces d'Ongulés d'un même écosystème ne sont pas en totale compétition mais sont plutôt complémentaires au sein d'une «guilde». Divers gestionnaires d'espaces protégés tentent avec succès d'utiliser une guilde d'herbivores domestiques comme facteur freinant la dynamique de la végétation, laquelle referme les milieux ouverts au détriment de milliers d'espèces caractéristiques de ces milieux.

Dans ce cadre, conduits en extensif, les grands herbivores - principalement chevaux et bovins de races archaïques - apparaissent comme de véritables « espèces clefs de voûte » de l'écosystème dont dépendent, par induction directe ou indirecte, des milliers d'espèces appartenant à presque tous les groupes vivants des milieux terrestres.

Ces expériences de gestion sont suivies depuis plus de 30 ans au Marais Vernier (Eure) et ont apporté beaucoup de satisfactions en matière de restauration ou de maintien de la biodiversité. Néanmoins en zone humide, la dynamique ligneuse est particulièrement forte alors les équidés comme les bovidés demeurent plus herbivores que lignivores même si l'impact sur les ligneux en période hivernale demeure particulièrement spectaculaire.

Dans la réserve naturelle des Courtils de Bouquelon, il est projeté de compléter expérimentalement la guilde d'herbivores en introduisant l'élan, une espèce disparue d'Europe occidentale entre les IXème et XIème siècles dont le régime alimentaire est plus spécialisé sur les ligneux et que sa structure de patte lui donne une aisance particulière pour fréquenter les espaces les plus marécageux.



Etienne Marlé – Chargé d'étude à ASTERS

25 ans de réintroduction du gypaète barbu dans les Alpes, des balbutiements au 200è poussin réintroduit

Suite à la disparition du gypaète barbu de l'arc alpin au début du 20è siècle, c'est à partir des années 1970 que le projet de réintroduction de ce vautour voit le jour dans les Alpes occidentales. Suite à quelques déboires, le projet est modifié et les premiers lâchers issus de reproduction en captivité ont lieu en 1986 en Autriche. Aujourd'hui le réseau d'élevage de gypaète barbu est consolidé et les lâchers continuent afin d'augmenter le nombre de jeunes ainsi que pour des considérations génétiques. Les données issues de ces 25 ans de réintroduction aux quatre coins des Alpes permettent aujourd'hui de mieux comprendre la logique d'installation de ces grands rapaces, d'affiner nos connaissances sur l'espèce et d'adapter les mesures de gestion liées à l'espèce. Notamment les nombreuses causes de perturbations et de mortalités de l'espèce qui sont pour la plupart d'origine anthropique.

Yvon Tariel, LPO missions rapaces

La France en pointe pour la réintroduction des rapaces


La LPO a notamment acquis au cours de son histoire d’importantes compétences dans la réintroduction des rapaces. Elle a réintroduit en France le vautour Fauve, le vautour moine puis le faucon crécerellette et s’apprête à libérer dans le sud du massif central les premiers gypaètes barbu. Elle a aussi participé au retour du gypaète barbu dans les Alpes. La LPO collabore aussi à la réintroduction de l’aigle de Bonelli en Espagne. Enfin la France apporte des milans royaux et des balbuzards pêcheurs pour des programmes de réintroduction en Italie.

Tous ces projets ont la particularité de s’intégrer dans un cadre international de conservation des rapaces. Les pays voisins ont eux aussi acquis des compétences dans ce domaine et seule la complémentarité, tant des compétences que des projets, garantira l’avenir des rapaces.

A l’heure ou tant de compétences sont acquises dans ce domaine du génie écologique, ou la biodiversité n’a jamais été aussi menacé, ou l’homme détruit méticuleusement chaque parcelles du territoire, les nouveaux programmes de réintroduction n’ont jamais était aussi combattu au nom du non interventionnisme par les ornithologues eux-mêmes.

France leads in reintroducing raptors.

In the course of its history, the LPO (French Society for the Protection of Birds) has acquired important skills in the reintroduction of raptors. It has reintroduced the Griffon and Black Vultures to France, followed by the Lesser Kestrel, and is preparing to release the first Bearded Vultures in the south of the Massif Central. It has also played a rôle in the return of the Bearded Vulture to the Alps. The LPO is also active in the reintroduction of the Bonelli's Eagle to Spain. Finally, France is supplying Red Kites and Ospreys for reintroduction programmes in Italy.

 A specific aspect of all these programmes is to be part of an international campaign for protecting raptors. Neighbouring countries have also acquired skills in this field, and their complementarity, in skills and programmes, can alone guarantee raptors a secure future.
At a time when many skills have been acquired in the field of ecological engineering, when biodiversity is threatened as never before, when mankind is systematically destroying every area of the country, the new introduction programmes have never been so avidly fought in the name of non-interventionism by ornithologists themselves.





Parc national de la Guadeloupe



Projet de réintroduction du lamantin des Antilles (Trichechus manatus manatus) dans le Grand Cul-de-Sac Marin (Guadeloupe, Petites Antilles)
Denis Girou, Hervé Magnin, Boris Lerebours, Anaïs Gainette - Parc national de la Guadeloupe.

Le lamantin des Antilles, mammifère aquatique herbivore classé « en danger » d’extinction sur la Liste Rouge de l'UICN et inscrit à l’annexe I de la CITES, a disparu au début du XXème des eaux de Guadeloupe, victime d'une chasse intensive. Il fait aujourd’hui l'objet d'un projet ambitieux de réintroduction dans la baie du Grand Cul-de-Sac Marin, porté le Parc national de la Guadeloupe.

Aujourd’hui, bien que le lamantin soit encore présent dans 20 Etats de la Grande Région Caraïbe, les experts estiment que 14 de ces 20 populations s'élèvent à moins de 100 individus. Ces populations sont souvent distribuées de façon discontinue et les petits groupes qui les constituent n'ont entre eux que peu ou pas d'échanges, cette dispersion constituant un facteur défavorable à la conservation de l'espèce. En outre, les populations sont menacées par le braconnage, les pollutions, les captures accidentelles, les collisions avec les bateaux, ainsi que d'autres facteurs. Aussi, dans la majeure partie de l'aire de répartition de l'espèce, une disparition est probable à brève échéance (Reynolds, 2011). Dans une situation aussi critique, des approches ou actions innovantes et collaboratives doivent être envisagées pour conserver les populations de lamantins restantes et, potentiellement, faciliter l’établissement et la croissance de nouvelles populations. A l'heure actuelle, l’espèce n'est plus présente dans les Petites Antilles, créant un vide entre les populations des Grandes Antilles au nord et celles de Trinidad et Tobago et du plateau des Guyanes au sud.

Le projet fait consiste à (i) participer à l’amélioration de la conservation globale de l’espèce en rétablissant un noyau de population en Guadeloupe et dans les Petites Antilles; (ii) fournir un modèle reproductible pour d'autres populations de lamantins dans la Caraïbe et ailleurs dans le monde, en particulier pour les dugongs ; (iii) restaurer un élément fort de la biodiversité de Guadeloupe;

Le projet a déjà fait l'objet d'une étude de faisabilité (DIREN, 2002) et d'un atelier de travail (2008) avec des experts scientifiques internationaux, des acteurs institutionnels et des partenaires du Parc national de la Guadeloupe. Des conclusions positives quant à la réalisation et aux chances de réussite du projet en sont ressorties accompagnées de plusieurs recommandations (populations émettrices composées d'au moins 500 individus, réintroduction de 15 individus minimum avec une majorité de femelles, garantir un site d'accueil optimal, adhésion sociale, large communication, etc.).

Le projet de réintroduction du lamantin en Guadeloupe est un projet collectif d'envergure s'échelonnant en deux temps :
  • une phase préparatoire, estimée à 4 ans, qui comprend les études de faisabilité du projet, l'indispensable travail de concertation à mener auprès des populations riveraines de la baie, des acteurs socioprofessionnels et des collectivités, et la mise en place des partenariats avec les pays potentiellement donateurs. Cette phase est déjà engagée.
  • une phase de réalisation et de suivi, sur 5 ans, avec la capture d'individus dans les pays identifiés comme donateurs et leur relâcher durant plusieurs années dans la Baie du Grand Cul-de-Sac marin. Avant leur relâcher définitif, les animaux passeront temporairement par des enclos de pré-relâcher installés dans le milieu naturel pour assurer le suivi sanitaire et leur adaptation à leur nouvel environnement. Le suivi du déplacement de chaque animal par balise satellite et radio permettra de s'assurer de leur bonne santé et de leur comportement dans le milieu. Un centre d'accueil et d'information est envisagé pour valoriser le projet et sensibiliser la population locale et les visiteurs sur la protection des lamantins.



Reintroduction of the Antillean manatee (Trichechus manatus manatus) in the Grand Cul-de-Sac Marin (Guadeloupe, Lesser Antilles).
Denis Girou, Hervé Magnin, Boris Lerebours, Anaïs Gainette – National Park of Guadeloupe

West Indian manatees are present in 20 range states in the wider Caribbean, but numbers are reported to be small (fewer than 100 individuals) and in decline in 14 of those 20. In addition, in many range states, persistence of manatees is threatened by incidental takes in fishing gear, poaching, contaminants, and habitat destruction. Furthermore, although protective legislation exists and Marine Protected Areas have been created, economic constraints prevent both enforcement of laws and effective infrastructures for conservation to function. Thus, manatees could easily disappear within the foreseeable future from most Caribbean countries and territories they inhabit today. In such a grim situation, creative and collaborative approaches and actions should be considered to conserve remaining manatees and, as possible, facilitate the establishment and growth of new populations. With support from the French Department of Ecology, the National Park of Guadeloupe has taken careful steps to assess the feasibility of reintroducing manatees to the waters of the Grand Cul-de-Sac-Marin (GCSM) a large protected area of 15 000 ha. Although manatees were extirpated from Guadeloupe over a hundred years, the waters of the GCSM are well protected, including enforced no-entry zones, and have relatively little boat traffic or other threats to manatees. Formal agreements with local fishing organizations and relationships with communities are attempting to secure local support of a re-introduction effort. A committee of expert scientists is carefully guiding the process. In light of the extreme rarity of marine mammal reintroductions globally, this program may provide an extremely useful model and good lessons to enhance species conservation. Among its various ambitions, the project aims to improve the overall conservation status of the species by restoring a population in Guadeloupe and thus diversify and improve the survival of the species. It could also contribute in the long term at a progressive recolonization of the species in the Lesser Antilles in order to restorate a link between populations now disconnected.